Un " petit homme seul " arpente les fictions de Jean Muno (1924-1988) depuis sa piece radiophonique eponyme. Sous son apparence d'anti-heros, plus belge que nature, il detient un etonnant pouvoir de subversion. Elle est le fruit d'une subtile ironie polyphonique qui permet a l'ecrivain bruxellois d'atteindre ses cibles, sans s'epargner lui-meme, ce qui est tout aussi caracteristique d'une certaine Belgique.
S'appuyant sur le concept socratique d'ironie autant que sur la reinterpretation romantique et les recherches innovatrices des linguistes a propos de ce concept et ses modalites, Isabelle Moreels elabore une methode d'analyse qui l'amene a cerner trois types d'ironie a l'oeuvre dans les textes de Jean Muno. Diegetique, enonciatif ou metanarratif, cet art subtil de la distance, voire de la derision, tisse en effet romans, nouvelles et recits de l'auteur - en amont comme en aval de la proclamation de la belgitude (1976). Ses tenants reconnurent d'ailleurs une certaine parente de son approche avec l'etre-au-monde qu'ils explicitaient et legitimaient.
Identitaire, ideologique et esthetique, le questionnement munolien se voit en outre aborde a partir de son ancrage dans la societe petite-bourgeoise des annees d'abondance, dites " les Trente Glorieuses ". L'etude de nombreux documents inedits ou meconnus, aussi bien sonores qu'ecrits, constitue un apport supplementaire de ce livre qui decrit par ailleurs le Fonds Jean Muno des Archives et Musee de la Litterature dans lequel ils figurent pour la plupart.