Pourquoi de Gaulle, mythe vivant, accepte-t-il l'invitation d'un Franco senescent en 1970 ? Anecdote polemique ou fait revelateur ? A priori, la France, pays declare des droits de l'Homme et terre d'exil de milliers d'antifranquistes, ne negocie pas avec une dictature. Or, contre toute intuition, c'est la disparition de Franco et le chemin vers la democratie qui compliquent la relation franco-espagnole.
Vu du Quai d'Orsay, ce qui se noue entre 1957 et 1979, c'est le retour, aiguillonne par la Guerre Froide, de l'Espagne dans une Europe democratique a economie de marche. Ce retour n'est pas lineaire, sinon ponctue d'a-coups et de reculades. La question de fond consiste a etudier les obstacles et les avancees d'un voisinage petri de defiances. L'Espagne est moins marginale qu'il n'y parait, car la diplomatie francaise se remodele pour se tailler une place dans un theatre iberique stimule par les appetits de Bonn, Bruxelles, Londres, Rome et Washington.
Enfin, l'Espagne devient pour la France le laboratoire d'une diplomatie memorielle, ou chaque acteur reecrit a des fins contemporaines une Histoire plus ou moins lointaine, parfois fraternelle, souvent conflictuelle. Strategie, industrie, commerce et memoire s'enchevetrent dans cet emboitement d'echelles et d'enjeux ou chaque parti mise sur des emissaires d'envergure. Contre toute attente, c'est Madrid, et non Paris, qui donne le rythme a ce renouveau du dialogue, du regard et des pratiques.