Moraliste sévère, historien exemplaire, dénonciateur de la tyrannie des Césars et chantre des libertés germaniques, Tacite devient au cours de la première moitié du XVIIIe siècle un véritable maître à penser. Redécouvert par Montesquieu, il est le héros des Philosophes avant d’apparaître sous la Révolution, l’Empire et la Restauration comme le témoin, profondément humain et sensible, de tous les temps de troubles. L’énergie et la concision qui caractérisent son style sont dorénavant à l’honneur.
Cet ouvrage offre un panorama des éditions et traductions de Tacite avant d’aborder la manière dont il est défini comme l’historien idéal; il est constamment utilisé par les historiens modernes les plus sérieux. Vient ensuite l’aspect plus proprement politique, à partir de la Germanie, qui sert de texte de référence à tous ceux qui prétendent tirer des mœurs des Germains des leçons applicables aux fondements de la monarchie française, pour en contester ou en renforcer la légitimité, jusqu’aux Martyrs où le Germain devient une figure mythique. Avec l’Empire romain s’ouvre l’espace du despotisme, de l’héroïsme ou de la résignation. A travers Agricola, le héros par excellence, est instruit le procès d’une tyrannie qui prend les traits de l’inquiétant Tibère, principal instigateur de la loi de lèse-majesté, ou du fascinant Néron, le monstre parfait. La Révolution, avec Desmoulins et Marat, en fournit une illustration convaincante, mais Diderot, qui trouve dans le défenseur de Sénèque un autre lui-même, et Chateaubriand, qui se laisse insensiblement enchanter par celui qu’il réprouve, révèlent encore mieux la fécondité d’une figure particulièrement vivante.
La passion que le XVIIIe siècle a éprouvée pour Tacite a contribué à donner vie aux aspirations d’une époque où l’Antiquité reste un des fondements les plus sûrs de la réflexion.