Les différentes formes de rationalité se déploient selon un projet et
une normativité interne qu’une exigence critique cherche à rendre
explicites. Dans l’impossibilité de constituer un métadiscours capable
de juger de toute forme de rationalité, des épistémologies régionales en
expriment l’autocompréhension historique. Dans ce contexte, la théologie
est amenée à expliciter son autocompréhension et à justifier la
prétention d’intégrer l’espace des rationalités contemporaines. Le
discours philosophique sur la théologie est certainement une
contribution indispensable à cet effort, mais non un discours ultime,
puisque c’est à la théologie que revient la tâche de proposer son
autocompréhension, à partir de l’analyse de ses pratiques. La théologie
s’interroge ainsi sous une modalité qu’elle même doit élucider. L’œuvre
de Jean Ladrière témoigne d’un effort constamment renouvelé de rendre
compte du devenir de la raison dans les diverses formes de rationalité
en lesquelles elle se réalise historiquement, telles que la science, la
technique, l’économie, le droit, l’éthique, la philosophie, l’art. Tout
en restant sous un mode d’interrogation philosophique, le philosophe
louvaniste mène encore une large enquête sur la rationalité de la
théologie, dont les résultats sont de la plus haute pertinence pour
l’élaborer une épistémologie théologique. Cette étude constitue une
reprise interprétative de la contribution philosophique de Jean
Ladrière, mais à l’intérieur d’une démarche proprement théologique qui
réassume, certes, un héritage philosophique, mais qui le porte au delà
des horizons qu’il détermine. Il s’agit de l’itinéraire singulier par
lequel une forme de rationalité cherche à saisir la normativité interne
à l’œuvre dans ses pratiques. Il en résulte une autocompréhension de la
théologie comme science herméneutique de la foi, c’est à dire comme un
discours de la foi sur la foi.