L'homme qui prend la parole se souvient de sa jeunesse, pas si lointaine. L'été de ses dix-huit ans, il se retrouve seul avec son père dans la maison de vacances de son enfance, quelque part au bord de l'Atlantique. Le père, homme d'affaires sûr de lui et de son charme, ignore que l'y attend un huis clos étouffant. Car la fatalité s'acharne parfois sur certains lieux comme s'ils étaient hantés par le désespoir de ceux qui les ont habités. Et le présent se charge de déterrer les contentieux du passé et de raviver les chagrins inconsolés. Père et fils pourraient dépasser le ressentiment, l'incompréhension mutuelle et peut-être leur rivalité inconsciente, mais, dans la torpeur de juillet, aucun ne fait l'effort. Et lorsqu'apparaît une jeune femme trop séduisante, affublée d'un mari trop confiant, le drame peut se nouer. Terrible, sans concession, le nouveau roman de Philippe Besson sonde les relations psychologiques tendues entre deux personnalités aux antipodes : un fils écorché vif, gardien de la mémoire d'une disparue, et son père, parangon d'égoïsme. Le récit bascule peu à peu de la légèreté dans la férocité, du marivaudage dans la cruauté. L'auteur excelle à disséquer dans les moindres détails ces situations en apparence anodines qui procèdent pourtant d'une logique inéluctable, échappant à la volonté même des personnages. Philippe Besson aime aussi les hommages aux auteurs qui l'ont marqué. Et il y a là comme un parfum de Bonjour tristesse qui flotte telle une réminiscence dans l'atmosphère maritime de ce roman. Personnage à part entière, la Maison atlantique y est tour à tour refuge, sanctuaire du souvenir et siège d'une vengeance involontairement mise en oeuvre par le narrateur. Elle est à la fois le théâtre et le témoin silencieux de la folie des hommes.