Comment s’est créé le concept psychologique et esthétique du ‘sentiment’ tel qu’on le connaît dans la littérature du dix-huitième siècle? Tracer la transformation de la terrible passion de l’ère classique, que l’individu subit, en doux sentiment qui fait partie intégrante de la notion qu’on a de soi: telle est la visée de Ph. Stewart dans cet ouvrage.
Traitant à la fois de la France et de l’Angleterre, l’auteur montre comment s’est établie, au cours d’une période allant de 1650 à 1730, la notion du sentiment. S’appuyant sur des textes tant philosophiques que littéraires, Ph. Stewart trace les origines d’un nouvel espace sémantique dans les interstices des passions classiques, ouvrant le champ à l’analyse d’affections plus nuancées et aussi plus positives. Après un premier chapitre sur l’analyse des expressions affectives en général, l’auteur étudie successivement la période qui suit le traité des ‘passions de l’âme’ de Descartes, l’apport particulier de Prévost, Marivaux et Crébillon, et le tournant vers le sentiment moralisant au milieu du siècle.
Cette étude permet ainsi de mieux comprendre la manière dont le mot ‘sentiment’ en est venu à signifier, non plus ‘opinion’ comme au dix-septième siècle, mais une nouvelle façon de décrire les émotions. On ne craint plus les sentiments, on apprend à les goûter, voire à en jouir.