Son règne est bientôt trentenaire et il est l'ami de la France, de ses dirigeants, de ses industriels, de ses élites de droite et de gauche. Roi du Maroc, Hassan II symbolise pour nombre d'Occidentaux le modernisme et le dialogue en terre d'Islam. Mais ces apparences avenantes dissimulent le jardin secret du monarque, l'ombre des complots et des prisonniers, des tortures et des disparus, de la misère.
Il règne, maître de tous et de chacun, brisant par la répression, pourrissant par la corruption, truquant par la fraude, courbant par la peur. S'il n'a pas inventé le pouvoir absolu, son génie aura été de l'habiller des oripeaux propres à tromper ceux des étrangers qui ne demandent qu'à l'être. Sa «démocratie» connaît une moyenne de quatre procès politiques par an, plus de cent depuis l'indépendance, avec, chaque fois, une fournée de militants condamnés à mort ou à des siècles de prison. Tortures du derb Moulay Cherif, morts-vivants de Tazmamart, calvaire des enfants Oufkir, nuit des disparus sahraouis... La peu est l'armature de son système. Comme l'enfer, elle a ses cercles. Chacun, quelle que soit l'horreur de son sort, peut être assuré qu'un autre a connu pire.
Depuis la parution retentissante de cet ouvrage, Hassan II a libéré quelques détenus dont il avait nié qu'ils fussent enterrés vivants dans ses geôles, détruit un pénitencier dont il avait démenti l'existence. Quelques prisonniers sont sortis, mais le système demeure.