Dans ce que Paul Valéry appelait le '' continent méditerranéen '', où longtemps seuls les grands centres ont retenu l'attention des historiens, Murcie ne manque ni d'importance ni d'originalité. Située au centre d'une vaste huerta fécondée par les eaux du Segura, la ville fut jusqu'à la fin du XVe siècle la capitale d'un grand royaume enclavé entre l'Aragon et Grenade et dont la façade maritime était le seul débouché méditerranéen de la Castille. Rattaché à celle-ci par la force des armes en 1226, après plus de cinq siècles d'appartenance au monde islamique et vingt-trois années de protectorat castillan, le pays murcien se trouva relégué en marge de l'Occident chrétien. Étudier Murcie aux derniers siècles du Moyen Âge, c'est s'intéresser au destin d'un centre régional à une période où, sous domination castillane et dans un contexte de crise (dépeuplement, guerres, calamités naturelles, pression fiscale), il était la capitale d'une marche-frontière. La question est donc de savoir si ce temps de la frontière - unique dans l'histoire de la ville - produisit, comme dans les villes fondées aux XIe et XIIe siècles en Castille et León entre le Duero et la Cordillère centrale, sur la '' frontera '' séparant chrétiens et musulmans, un modèle original de développement et d'urbanisation.