L’Ecriture hospitalière porte sur la pratique intertextuelle des Trois Contes de Flaubert. C’est en particulier La Légende de saint Julien l’Hospitalier qui autorise cette investigation : plus qu’aucune autre œuvre de Flaubert en effet, ce conte obéit à une logique citationnelle. Le conte sacrifie l’originalité diégétique au profit de la transmission d’un récit traditionnel, imitant ainsi la posture du croyant vis-à-vis du message hagiographique qu’il contribue à mettre en circulation. Incorporer le texte référentiel (ou une parole sacrée), c’est s’abandonner à l’envahissement d’une puissance dévastatrice qui modifie profondément les contours de l’espace hospitalier. Le travail intertextuel s’inspire ici largement de l’accueil que réserve Julien au Christ à la fin du conte : l’invité est perçu comme un hôte monstrueux, étranger et terrifiant, qui force l’hospitalité plus qu’il ne la sollicite. Les Trois Contes sont donc porteurs de ce dieu mais accusent par là-même l’impuissance divine à se déployer sui generis. Les trois clausules des contes rappellent à leur manière la légende de saint Christophe qui, chez Flaubert, devient hôte, dans le sens le plus ambigu du terme : en acceptant la charge de l’enfant, Christophe fait naître un dieu qui lui réserve à son tour un espace céleste.