Le Théâtre de la Foire, né dans les foires parisiennes de Saint-Germain et de Saint-Laurent, a fait courir tout Paris depuis sa création jusqu’à sa disparition en 1762. Spectacle foisonnant puisque des dizaines d’auteurs en ont constitué le fonds littéraire qui comporte plusieurs centaines de pièces. Il existe d’excellentes études partielles, mais aucune étude d’ensemble n’avait été entreprise sur un sujet où la critique littéraire rencontre le renouvellement des arts du spectacle et l’évolution des mœurs et de la pensée. Il s’agissait donc de combler cette lacune par une synthèse sur le Théâtre de la Foire considéré comme une forme de sociabilité essentielle à la compréhension de l’histoire des idées à une époque donnée, dans le mouvement même des représentations de la vie quotidienne.
Si le but apparent de ce théâtre est d’amuser un public par un spectacle original et inventif, ses ambitions sont beaucoup plus vastes. Issu du milieu mercantile des foires, il diffuse des idées de libre entreprise qu’il met lui-même en œuvre, en s’opposant aux privilèges de la Comédie-Française et de l’Opéra. Dans la société d’Ancien Régime où apparaissent des signes de décomposition, il tente de réformer les mœurs et de promouvoir dans la bonne humeur certaines nouvelles idées philosophiques dont une morale bourgeoise et séculière du juste milieu.
Face aux salles officielles qu’immobilise leur statut et une scène populaire inconvenante, il élabore une nouvelle forme de théâtralité amalgamant les pratiques des spectacles de rue tels l’acrobatie, les danseurs de corde ou la pantomime avec les traditions du théâtre savant, de l’Opéra et des scènes française et italienne.
Sa conception essentiellement baroque, brillante, faussement naïve et populaire semble anticiper les grandes mises en scène actuelles. Le Théâtre de la Foire demeure aujourd’hui le meilleur miroir de la société parisienne du XVIIIe siècle dont la référence essentielle est au-delà du théâtre lui-même la théâtralisation de son quotidien.