Premier recueil de législation ecclésiastique, la Collection
canonique d'Antioche a surgi au IVe siècle au temps des premières
controverses christologiques. Son auteur présumé, Euzoïos d'Antioche,
fut la figure de proue de l'Église «semi-arienne», plus précisément
homéenne, et bénéficia du soutien de l'empereur Valens. Composée en 370
dans le contexte brûlant de la querelle arienne qui déchire la
chrétienté durant tout le IVe siècle, cette collection constitue à
double titre un corpus de combat. Au plan politique, chacun des cinq
groupes canoniques qui le composent est destiné à lutter et à condamner
un ou plusieurs des courants doctrinaux opposés à l'Église homéenne. Au
plan juridique, la législation de la Collection canonique
d'Antioche s'organise autour de deux grands thèmes: le contrôle de
la hiérarchie ecclésiastique et la lutte contre les mouvements
rigoristes.
Le présent ouvrage analyse cette oeuvre originelle
qui consacra le long travail d'innovation dans le domaine du droit
ecclésiastique, entamé par les ariens au lendemain du concile de Nicée
(325). Ceux-ci souhaitaient promouvoir la législation conciliaire
naissante qu'ils considéraient comme plus opérante pour uniformiser le
droit ecclésiastique de la pars Orientis, et lutter contre leurs
adversaires nicéens. Mais, après leur victoire en 379 due à l'avènement
de Théodose, les nicéens furent amenés à reprendre à leur compte ce
corpus: ne pas se l'approprier aurait contribué à la survivance des
théories des homéens, laissant la possibilité d'une contre-offensive de
leur part. Afin de neutraliser une telle arme, il convenait de se
l'attribuer. Euzoïos d'Antioche et son Église étaient, certes, des
vaincus de l'histoire, mais en créant la Collection canonique
d'Antioche, ils avaient légué un héritage à l'ensemble de la
chrétienté: la racine d'où allait croître, au-delà des controverses
théologiques, le droit de l'Église.