Dans sa Comedie Humaine, Balzac revait de faire concurrence a l'etat civil. Gregoire de Narek, le grand poete armenien de l'an mille, concoit un projet plus hardi: il veut rendre le Jugement dernier superflu, en confessant d'un coup de tous les peches des hommes. Aussi puissants que les Confessiones d'Augustin ou la Divine Comedie de Dante, son oeuvre est avant tout un lieu de priere. Mais a la difference des temples de pierr, construits a grands frais par les princes, c'est une eglise entierement spirituelle et gratuite. Il suffit de lire le livre pour la batir et pour l'offrir a Dieu. les voix ferventes de generations de lecteurs de tous les siecles et de toutes les nations y feront retentir un hymne d'adoration perpetuelle. La presente traduction est precedee d'une ample introduction contenant, avec une histoire du monachisme armenien, une etude sur la connaissance de soi et la confession des peches dans l'Armenie medievale (qui rappelle certains precedents manicheens ou zoroastriens).
L'art de Gregoire de Narek orchestre les themes de la poesie populaire et de la revelation biblique, il rend au texte sacre sa plasticite native, pour en faire un instrument de direction spirituelle. Il s'appuie autant sur la raison que sur l'imagination et la sensibilite du lecteur. Le commentaire jalonne les phases successives du cheminement interieur et explique ce qui reste implicite dans le mode d'emploi des mots et des images.