Né en 1928 à Sainte-Marie en Martinique, Edouard Glissant compte aujourd'hui parmi les écrivains les plus importants de la littérature antillaise d'expression française. Depuis la parution La Lézarde, qui lui valut le prix Renaudot en 1958, il n'a cessé de s'imposer comme l'auteur le plus fécond de sa génération prenant ainsi la relève de celle qui nous imposa les noms d'Aimé Césaire, René Ménil, Joseph Zobel et Franz Fanon. Poète, romancier, essayiste, dramaturge, critique d'art, Glissant déploie son oeuvre sur différents registres reprenant inlassablement la question de l'identité antillaise. Mais sans doute l'antillanité ne saurait-elle se laisser saisir par le concept d'identité sans le mettre violemment en question. En effet, que peut être la littérature d'un peuple arraché à son origine il y a quatre siècle par la Traite et qui, en l'absence d'une mémoire collective, n'a jamais pu élaborer au moyen de mythes et d'épopées, la catégorie du passé ? Qu'est ce qu'un peuple ne brutalement à la modernité et qui n'a pu mûrir dans les profondeurs stratifiées du temps? La question de la mémoire et de l'origine renvoie ainsi à une question plus profonde: qu'est-ce qu'oublier? Car la force énigmatique de l'oublié c'est qu'il nous laisse toujours en rapport avec ce qui est oublié. Si la poésie est chant de la mémoire, que peut être désormais le chant antillais?