V.Y. Mudimbe est connu comme une figure de proue de la pensée africaine. Avec L’Odeur du père, L’Écart et The Invention of Africa, il s’est frayé une trace toujours plus importante dans le cheminement des études africaines, dans le cadre des études littéraires et culturelles, de la philosophie et des théories postcoloniales. Auteur d’une œuvre romanesque et poétique remarquable, Mudimbe n’avait jamais à ce jour été présenté dans la totalité de son œuvre vaste, embrassant la philosophie et la fiction romanesque. La monographie de Kasereka Kavwahirehi vient combler cette lacune et, de surcroît, pour la première fois l’œuvre littéraire et scientifique, francophone et anglophone de Mudimbe est abordée dans ses liaisons organiques et ses lignes de force. Suivant Mudimbe dans sa traversée des frontières, territoriale et linguistique, générique et disciplinaire, Kasereka Kavwahirehi élucide les enjeux esthétiques, épistémologiques et existentiels de la démarche mudimbienne dont le but ultime est la fondation d’un nouveau discours africain sur le monde, libéré des pesanteurs coloniales. Les contextes existentiels, idéologiques et culturels africains, européens et américains de sa prise de parole et le rapport à ses sources d’inspiration (Foucault, Lévi-Strauss, Sartre, Jean de la Croix, Senghor, Mabika Kalanda, etc.) sont analysés pour mieux apprécier son travail d’appropriation recréatrice et éclairer la controverse qui accompagne sa réception dans certains milieux académiques. En fin de compte, cette œuvre paradoxale apparaît à la fois comme une archéologie du discours africain et « un récit pour soi » ou une histoire du sujet africain allant de la réification coloniale à la liberté de se poser comme la source d’un discours à travers lequel il réinvente l’Afrique et lui donne une nouvelle destinée loin des pièges réductionnistes, que ceux-ci relèvent de l’eurocentrisme ou de l’afrocentrisme.