En 1894, un siècle après sa mort, Condorcet est porté au faîte de la gloire par la troisième République. Pourquoi et comment un philosophe des Lumières, mathématiciens, révolutionnaire, devient-il l’un des héros peuplant la mémoire collective ? L’évènement ne s’inscrit pas dans un continuum historique et n’est pas l’aboutissement d’un long processus qui aurait commencé dès la disparition du personnage. Les auteurs qui commentent et interprètent la pensée, l’action ou la vie de Condorcet, appartiennent aux horizons politiques et philosophiques les plus divers; leurs discours respectifs s’affrontent souvent. Parfois des lignes de fractures traversent une même configuration idéalogique car chaque exégète opère des choix dans l’oeuvre du philosophe et en récuse des pans entiers.
Pour rendre compte de cette prolixité du fait interprétatif, la démarche se situe à la rencontre de l’étude conceptuelle et symbolique. L’analyse des formes textuelles et des concepts philosophiques s’articule à une analyse des effets institutionnels et à une exploration de l’imaginaire (iconographie, statuomanie, célébrations). La perméabilité et l’entrelacement de ces types discursifs permettent de définir la plasticité de la figure de Condorcet qui conduit à la naissance posthume de l’eidôlon: à la fois image et sens.