Une œuvre de fiction peut-elle être vraie? C’est ce que de nombreux auteurs du dix-huitième siècle ont prétendu dans les préfaces de leurs romans. Il est communément admis que cette revendication tente de déguiser la fictionnalité de la fiction, et de tromper le lecteur dans le but de lui faire prendre une illusion pour une vérité.
Dans cet ouvrage, Herman, Kozul et Kremer examinent d’un oeil neuf ce point de vue, et analysent tout un éventail de préfaces sous deux perspectives: sémantique et pragmatique. La lecture sémantique développe celle de G. May dans son étude pionnière, Le Dilemme du roman (1963), et situe la préface ainsi que sa prétention à la vérité à l’intérieur du récit fictionnel lui-même, où elle joue son rôle dans cette supercherie dont le lecteur est la cible. L’approche pragmatique, cependant, mène à une lecture absolument nouvelle de ces prétentions préfacielles, et révèle comment elles soulignent la fictionnalité du roman. Les auteurs avancent l’argument que cette déclaration qui nous est si familière ‘ceci n’est pas un roman’, sert à légitimer l’artifice du roman, et à établir une sorte de pacte de complicité avec le lecteur.
Herman, Kozul et Kremer nous permettent de voir d’une façon entièrement neuve l’écriture et la lecture de la fiction au dix-huitième siècle. Ils explorent les problèmes de légitimation et d’accréditation qui caractérisent non seulement les préfaces des romans, mais aussi bien d’autres discours de la première modernité.