Ce travail examine l'ethnographie suisse entre 1880 et 1950 sous le double angle de l'organisation de la recherche et des pratiques scientifiques. Il articule l'etude des conditions institutionnelles de possibilite de la recherche a celle de sa mise en oeuvre dans les enquetes de terrain et le travail museal. Il vise de ce fait d'une part a saisir les modalites de l'institutionnalisation et de la disciplinarisation; d'autre part, il souhaite en eclairer les effets sur la pratique de recherche et instruire les rapports reciproques entre le savant et le public. Adoptant le point de vue des acteurs, cet ouvrage dessine une micro-histoire des institutions et des pratiques de l'ethnographie et c'est aux plus significatifs de ces acteurs que son titre rend hommage. Fondateurs des institutions ethnographiques, les gentlemen defendent une science desinteressee et reservee a des cercles restreints. Les proletaires, apres que l'Etat investit et s'investit dans l'ethnographie, sont sensibles a sa diffusion et son usage: ils la professionnalisent, la disciplinarisent et, surtout, la popularisent. Les primitifs sont tout a la fois l'objet de l'ethnographie, et l'enjeu et l'arbitre du conflit entre ces deux conceptions de la science.