L'enjeu de cet essai est d'entrer dans la poetique de Baudelaire par la voie du langage, specifiquement par l'analyse d'une figure rhetorique dont la frequence temoigne d'une nouvelle attitude poetique: la periphrase. Celebree en tant que source du sublime par Aristote et Longin, mais successivement delaissee, au fil des siecles, en tant qu'instrument anodin de l'ornatus, la figure assume une dignite nouvelle sous la plume de Baudelaire: figure d'expansion par excellence - lexicale, syntaxique et semantique - la periphrase est exploitee en tant qu'outil propice a l'extension des confins de la poesie, au niveau de forme comme du contenu.
La frequence et la pertinence de la periphrase chez Baudelaire donnent a voir l'essence de la quete litteraire moderne, a savoir l'aporetique recherche de l'Inconnu. Intimement liee au faire (poiein) poetique, elle conduit a nous interroger sur le sens du langage, ou plutot sur la question du sens que le geste artistique laisse en suspens. Comme l'ecrit Michel Deguy, en introduisant notre parcours par une preface, " la poesie (la periphrase) nomme, appelle periphrastiquement l'Inconnu. Elle y plonge, dit Baudelaire ".