Acta apostolorum et conte fantastique, récit post-résurrectionnel
et parabole de la quête du Royaume, hymne à la résistance face aux
persécutions mais aussi mythe fondateur de la mission chrétienne,
ouvrage de propagande tout autant que précis d’évasion, le premier écrit
du codex VI de Nag Hammadi se prête à de multiples lectures. Cette
polysémie découle d’un processus rédactionnel complexe, dont le texte
conserve de nombreuses traces, qui se cristallise en quatre discours
distincts dissimulés dans autant de récits à la fois autonomes et
interdépendants : une théologie plurivoque, en même temps extatique et
symbolique, véhiculée par l’histoire hybride de Lithargoël, à la fois
allégorie du salut de l’âme et psychanodie, un enseignement euthymique
transmis par le Jésus ressuscité d’une scène épiphanique, une théologie
diaconale et une théorie novatrice de la mission chrétienne, corollaires
d’un récit missionnaire, et enfin une théologie ascétique et une
apologie de la perpétuation de l’Église, renfermées dans une ample
métaphore de l’endurance. Si la dernière étape de sa composition peut
être attribuée à un cercle mélétien du tout début du IVe siècle, cet
apocryphe semble circuler, non seulement en Égypte mais aussi à Rome, en
Nubie et en Palestine, au moins jusqu’au XIIe siècle.