L'œuvre de Marguerite Yourcenar vise très large, aussi bien dans l'espace que dans le temps. Elle allie de manière unique son ambition d'universalité à l'attention modeste aux aspects les plus singuliers de l'existence et aux êtres les plus obscurs de l'univers. L'inquiétude du temps est le foyer central d'où se relance toujours son écriture. Le temps demeure pour elle impensable, inscrutable, impossible à unifier et à totaliser, mais ses apories nourissent l'imaginaire. Le temps ne vous coûte rien, à vous les philosophes : il existe pourtant puisqu'il nous sucre comme des fruits et nous dessèche comme des herbes, dit un personnage de Feux. Cependant, à défaut de mourir pour échapper au temps, vivre consiste en ripostes créatrices. De ses premiers récits jusqu'aux chroniques familales qui forment Le Labyrinthe du monde, en passant par les romans et les pièces de théâtre, Yourcenar tisse une poétique du temps qui fait leur place à la permanence des mythes, aux difficiles questions de la connaissance historique et du désenchantement de l'histoire, et à la quête de la transmission généalogique. La présente étude s'articule selon les grandes lignes de cette poétique et met en lumière la manière dont Yourcenar orchestre les temporalités plurielles sur l'horizon d'un temps unique.