On s'est plu a imaginer les auteurs gnostiques comme des solitaires misanthropes et leurs 'uvres, comme le resultat d'un prurit d'ecrire cause par leur haine du monde et des hommes. L'Interpretation de la gnose revele un auteur soucieux de la vie d'une communaute aux prises avec des divisions nees, du moins a ses yeux, de la jalousie. Dans le but de remedier a cette situation, il cherche a persuader son destinataire de la necessite de supporter les epreuves comme le Christ crucifie l'a fait. Il lui propose comme modele a imiter la patience de celui-ci devant le mepris et les moqueries dont il a ete l'objet, lui explique que les divisions dans la communaute sont l"uvre des archontes mauvais. Il reprend l'image paulinienne de l'Eglise corps du Christ et la tradition greco-romaine des discours de reconciliation, utilisant cette image pour exhorter son destinataire, peut-etre une femme si l'on en juge par l'emploi d'exemples mettant en scene des figures feminines dans la premiere partie de l"uvre, a se satisfaire de la place qui est la sienne dans la communaute.
L'Interpretation de la gnose, le commentaire le montre, est vraisemblablement le produit d'un milieu valentinien ou influence par le valentinisme. Son caractere gnostique, dont le titre a lui seul ne constitue pas une preuve, est donc indeniable. Cet ecrit est a ranger, a cote d'autres textes gnostiques, parmi les ecrits de circonstances: l'Hypostase des archontes, dont l'auteur, qui y reprend un materiau gnostique traditionnel, s'evertue a rassurer son destinataire - peut-etre une femme ici aussi, representee dans le texte par Norea -, en lui demontrant que les archontes ne peuvent rien contre lui; l'Evangile de Judas et le Temoignage veritable qui, s'inscrivant dans une longue tradition biblique et extra-biblique du refus des sacrifices sanglants, prennent position contre une theologie sacrificielle exaltant le martyre et proposent plutot a leurs destinataires une legitimation theologique de son refus.