Les valentiniens ont-ils institué une première et une seconde classe du
salut? Saint Irénée les en accuse en dénonçant l'arrogante impeccabilité
des parfaits de la secte, leur mépris pour les psychiques de la Grande
Église, leur eschatologie à double fond.
L'Exposé du mythe
valentinien et les textes liturgiques du codex XI de Nag Hammadi
nous présentent un tableau bien différent. Pas question de vivre en
conventicules d'occultistes frileux, il faut se mêler à la masse des
fidèles. Nul fossé ne doit séparer les esprits parfaits des âmes
simples. Tout ce monde visible est une école de l'invisible, où se
dévoilent les desseins de la Providence. Jésus est venu pour
«l'économie», c'est-à-dire pour les concessions miséricordieuses, en vue
du «redressement» et du salut de tous. Rarement un écrit gnostique aura
livré, de la rédemption, une image plus unitaire.
Devant les
nombreuses lacunes d'un texte très détérioré, W.-P. Funk a adopté un
parti pris de prudence: les reconstructions qu'il propose procèdent de
la logique et de la grammaire, à l'exclusion de tout parallèle avec
d'autres documents valentiniens. À ce prix seulement, on peut préserver
l'originalité d'un auteur qui, tout en exposant le mythe fondateur du
valentinisme, dont il connaît déjà un grand nombre de variantes ou
d'interprétations contradictoires, adopte une ligne très personnelle,
que l'introduction, la traduction et le commentaire de J.-P. Mahé
s'efforcent de mettre en valeur.
Les textes liturgiques de
l'annexe, sur le Baptême et sur l'Onction et l'Eucharistie nous
introduisent au cœur de la communauté.
En cette fin du IIe siècle,
le valentinisme n'est pas encore une secte. C'est une interprétation
globale de la vie chrétienne qui espère pouvoir concerner la totalité
des fidèles.