Je sors de la gare à Versailles, remonte l'avenue vers le château. Une joie étrange me soulève, me porte, m'emmène, comme si elle-même actionnait le travelling, poussait encore le chariot sur les rails. Est-ce cela l'ambition, le désir de gloire ? L'arrivée dans une lumière inédite, éclatante. J'ai déjà vu les lumières d'un plateau de cinéma, c'est exactement ça : un éblouissement, une foudre répandue, répartie, et qui dure et vous emporte.
Vous n'êtes plus le même, on vous a enlevé un poids, une assignation. Une caméra sur un rail. Elle avance vers Nicholson, vers moi, j'ouvre les yeux, je parle à voix très basse, ne vois rien de la machine qui doucement approche. Elle s'éloigne, arpente la ville, détaille les rues, les immeubles, les façades, montre leur indifférence, leur épaisseur de tombe, revient sur moi, là, au milieu de la place d'Armes, l'immense place où je suis seul.
Lorsque Gabriel est sollicité par un réalisateur grec qui veut l'engager pour tourner dans son film, sa vie bascule... Il vient de se séparer de sa compagne, c'est là l'occasion de rebondir ! Et de se lancer à corps perdu dans la grande aventure du cinéma. Gabriel adore le septième art mais ignore tout de la réalité d'un plateau de tournage. A peu près autant, semble-t-il, que le réalisateur, lui aussi débutant.
Cet attelage improbable réserve de nombreuses surprises.
Acteur, metteur en scène, scénariste, sociétaire de la Comédie-Française, Denis Podalydès a écrit Voix off (prix Femina Essai 2008).