Dans le contexte litteraire elisabethain et jacobeen, fortement impregne de l'art oratoire de l'Antiquite, l'oeuvre de William Shakespeare est marquee par l'ideal rhetorique d'abondance ou copia, rendue celebre par Erasme a la Renaissance. Si le dramaturge celebre la copia qui envahit tous les genres oratoires, l'espace public du forum comme l'espace prive de l'alcove, et jusqu'aux minutieuses descriptions (ekphraseis) incrustees dans la trame de l'oeuvre dramatique, il en denonce aussi les limites et les exces. La copia peut alors s'inverser en loquacitas ou prolixite vide. Son oeuvre est egalement traversee par la double thematique de l'abondance et de la vacuite. L'instabilite de cette profusion se manifeste a travers la subversion du mythe de l'age d'or, le renversement de la cornucopia en tonneau des Danaides et le jeu sur la figure du silene platonicien. Entre la pompe et le neant, l'oeuvre de Shakespeare, inscrite dans la crise epistemologique qui touche l'Angleterre et l'Europe a la fin du 16e et au debut du 17e siecle, correspond a un point d'inflexion esthetique qui inverse les polarites et fait de l'abondance le masque de la vacuite.