En vertu de quoi les données sensorielles revêtent-elles des formes
stables et se prêtent-elles à des significations
partageables qui font que chaque chose est ce qu’elle est en
dépit de la diversité de ses apparences ? Comment l’objectivité
de ce sens et de cet être se concilie-t-elle avec la subjectivité
de ces apparences ? Et comment se fait-il que, au-delà de la multiplicité
des points de vue sur le monde, la Raison puisse faire valoir des prétentions
universelles auxquelles elle donne les noms de «vrai», de «bien» ou de
«beau» ? Ces grandes questions sont celles que cristallise l’idée
d’«idée». De cette histoire, certains jalons semblent particulièrement
bien connus: le statut objectif des Idées chez Platon et leur nette
opposition avec les apparences sensibles; le statut subjectif des
idées dans la philosophie moderne, où elles tendent au contraire à
coïncider avec les apparences et à s’opposer aux éventuelles «choses en
soi»; la fonction rationalisante des Idées chez Kant, qui prend acte de
l’irréalité des idées mais ne renonce pas à rendre compte de leur nature
régulatrice. La question reste cependant de savoir comment un
même terme a pu recouvrir des conceptions aussi diverses et, en apparence,
même antithétiques. C’est à élucider cette énigme et à éclairer par là
même le problème de l’idéalité dans l’extraordinaire continuité de son
traitement philosophique que se sont collectivement livrés des
spécialistes de ces différentes périodes de l’histoire de la philosophie.
Fortement chevillées aux textes mêmes des auteurs concernés, leurs
investigations ici rassemblées constituent un dossier qui devrait fournir
au lecteur une vision fine et bien documentée de l’itinéraire
philosophique de l’idée.