Le monstrueux est, depuis l'Antiquite, a la fois un horizon et une limite de l'art, tant comme objet de representation que comme principe de composition; mais cette reference prend, au XVIIIe siecle, une valeur metaphorique subitement plus precise et plus riche a la fois dans les discours poetiques et esthetiques et dans les pratiques d'ecriture. Cet enrichissement semantique est tributaire et contemporain de deux mutations accomplies par le siecle des Lumieres : une modification radicale, dans la premiere moitie du siecle, des fondements des sciences de la nature qui privilegient desormais la conception d'une nature mouvante et desordonnee au sein de laquelle les monstres acquierent paradoxalement valeur de norme, et une evolution des theories esthetiques, qui favorise l'emergence d'une pensee nouvelle de l'acte createur.
Ce livre se donne pour tache de demeler les relations nouees au XVIIIe siecle entre champ scientifique et champ litteraire autour de la reference au monstre, et d'analyser l'une des faces sombres de la poetique des Lumieres, oA' se donne a lire A"l'appel du monstrueuxA", la fascination souvent inquiete pour le desordre dont Diderot est sans doute le temoin le plus net. L'etude des pensees du desordre naturel et esthetique et de leurs interactions et l'examen de recits situes aux frontieres du lisible permettent ainsi de rendre evidentes l'exhibition constante de l'acte d'ecriture et l'apparition, parfois problematique, d'une figure moderne de l'ecrivain.