"Une enigme [...]: comment se fait-il que la mathematique, qui est un produit de la pensee humaine et independante de toute experience, s'adapte d'une si admirable maniere aux objets de la realite?". Dans toute sa force, c'est une question proprement metaphysique que soulevait Albert Einstein: la mathematisation du reel, telle qu'inauguree par Galilee, y atteint, par dela le mathematisable immediat des quantites discrete et continue, le mathematisable profond de lois et de structures. Or celles-ci sont bien quelque chose de ce reel, mais quelque chose qui, du fait de la separation du reel sensible grace a laquelle la mathematique acquiert son autonomie, demande a y etre situe. Mais si les succes de la mathematisation ont contribue de maniere decisive a faire adopter, a la philosophie moderne, un primat de l'interrogation critique et, a la philosophie contemporaine, un primat de la consideration du dire rationnel, ils leur en ont par la-meme rendu l'entreprise, et la metaphysique elle-meme, impensables. Pourtant, lue ligne a ligne et avec ces questions, la Metaphysique - non pas l'essentialisme de l'aristotelisme scolaire - s'avere utiliser une telle consideration et developper une telle interrogation au service d'une analyse causale de ce qui est pris en tant qu'etre. Celle-ci, convenablement actualisee, doit permettre de situer dans le reel, au niveau de son intelligibilite premiere, les quantites discrete et continue (livre I) et, au niveau de sa structure metaphysique, ses lois et structures mathematiquement exprimables (livre II). Du meme coup, "l'enigme" s'avere un catalyseur tres puissant pour la redecouverte de cette analyse et, par suite, pour une renaissance de la metaphysique.