Jin-joo est une mauvaise fille. Elle fume, découche, nargue ses professeurs et cause du souci à ses parents. Son père, un petit patron, n'a que ses poings pour exprimer sa peur de la voir mal tourner. Alors il la passe à tabac, régulièrement. La Corée subit la crise économique de la fin des années 1990 et la violence demeure la forme la plus simple et naturelle du contact humain. Au collège, les professeurs cognent les élèves et les anciennes rossent les nouvelles.
Dans l'indifférence générale, on meurt sous les coups d'un père ou d'un petit copain. L'adolescente trouve un peu de chaleur humaine auprès de Jung-ae, fille d'un petit voyou encore plus paumée qu'elle. Une fugue improvisée les mène jusqu'au quartier des bars à hôtesses. Là, tout a le goût de la liberté, de l'interdit et de la fête. Pourtant, leur destin est en train de se jouer tragiquement... Le ton âpre et désespéré d'Ancco évoque le Céline de Mort à crédit.
Vivre, c'est expier. Un instant de bonheur, d'insouciance, se paie comptant. Les hommes mènent des existences lourdes, tristes et solitaires, qui se révèlent vides de sens. "Dès qu'on met le nez dehors, constate Jin-joo, c'est plein de choses incompréhensibles." Après Aujourd'hui n'existe pas, publié par Cornélius en 2009, Mauvaises filles confirme le talent singulier d'Ancco. La construction multiplie les allers-retours entre le passé et le présent.
Servie par un trait sec et précis, un noir et blanc désolé, elle rend inexorable et bouleversant ce voyage au bout de la nuit coréenne.